Pourquoi appelle-t-on si souvent les femmes de pouvoir par leur prénom (et pas les hommes) ?

Publié le : 03 décembre 20206 mins de lecture

Ministres, journalistes, dirigeantes d’entreprises… Aucun milieu n’échappe à cette habitude d’effacer le nom de famille des femmes, aussi puissantes soient-elles. Explications.

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L’animateur Laurent Ruquier et la journaliste Léa Salamé, pendant l’enregistrement de l’émission « Vivement dimanche », de France 2, le 4 septembre 2014. (MAXPPP)

Cherchez l’erreur dans ce titre, en une du Parisien, lundi 30 mai : « Vanessa remplace Léa chez Ruquier ». Les chroniqueuses Léa Salamé et Vanessa Burggraf ont mystérieusement perdu leur nom de famille, tandis que l’animateur Laurent Ruquier conserve son patronyme. Une maladresse ? Non, l’habitude, dans les médias notamment, de nommer les femmes, politiques, journalistes, et plus généralement médiatiques, par leur seul prénom. Comment expliquer cette tendance persistante ?

ar sexisme ordinaire

Martine (Aubry), Najat (Vallaud-Belkacem), Ségolène (Royal)… Les noms de familles des femmes politiques tendent à disparaître, dans nombre de médias. Sandrine Rousseau, porte-parole d’EELV, appelle cela le « paternalisme bienveillant ». Dans un entretien à Libération, l’auteure d’un Manuel de survie à destination des femmes en politique (éd. Les Petits matins), explique qu’appeler une femme politique par son prénom s’inscrit dans cette forme de sexisme qui consiste à complimenter le physique, à juger le style vestimentaire ou à préciser le nombre d’enfants et la situation conjugale des femmes avant de s’intéresser à leur CV.

Les femmes de médias n’y échappent pas. Il suffit de lire le court portrait de Vanessa Burggraf dans Le Parisien pour le constater. Le quotidien rappelle d’abord que la chroniqueuse est « maman de deux filles », avant de préciser qu’elle « est très pointue sur l’actualité internationale » et de dérouler son parcours, « après hypokhâgne, khâgne, un DEA de lettres et un DESS de sciences politiques », pourtant plus utile pour exercer son métier de journaliste. Rares sont les hommes de médias dont on précise qu’ils sont « papa ».

Ce paternalisme ne concerne pas seulement les femmes jeunes. En 2015, Le Figaro annonçait l’entrée des résistantes Geneviève de Gaulle Anthonioz et Germaine Tillion en titrant : « Geneviève et Germaine, au nom des oubliées de la Résistance. » Ces deux figures féminines de l’histoire de France ont pourtant été panthéonisées en même temps que Jean Zay et Pierre Brossolette, avec leurs noms de famille, eux.

S’ajoute au sexisme un traitement particulier pour les noms arabes. Karima Delli, députée EELV au Parlement européen, le faisait remarquer au Figaro Madame, l’an dernier : « Quand il y a une consonance plutôt maghrébine, on a l’impression que ça devient la règle. » Une différence de traitement qu’a également relevée la journaliste de Mediapart Faïza Zerouala.

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